Prêcheur itinérant, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort allait de place en place, de ville en ville prêcher l’Évangile au peuple ordinaire. Il s’occupait des malades par l’entremise de ses charges pastorales comme aumônier d’hôpitaux. Il aurait désiré être missionnaire outre-mer, soit en Asie ou au Canada, mais il fut envoyé dans sa terre natale en France pour évangéliser ses contemporains. Répartie sur tout le territoire français, la population paysanne était souvent dépourvue de prêtres permanents. Plusieurs communautés devaient attendre des semaines voire des mois avant de bénéficier de la présence d’un prêtre et des sacrements.
De Montfort fut ridiculisé, mis à la porte de résidences religieuses et d’hôpitaux, et même renié par ses compatriotes prêtres avec qui il avait fait ses études. Il vivait radicalement l’Évangile et l’imitation de Jésus-Christ, au point de ne vivre que de la charité. Il ne possédait rien, sinon son bréviaire et son chapelet. Il ne mangeait pas tous les jours, ni à tous les repas. Sa façon de vivre et son comportement avec les plus démunis gênaient le clergé en place. Comment passa-t-il au travers de toutes ces épreuves ? Par sa dévotion à Marie. Un de ses biographes raconte qu’il ne connaissait aucun monument public de Paris, mais qu’il savait par contre où se trouvaient toutes les images et toutes les statues de Marie. Il le savait parce qu’il s’y rendait régulièrement pour prier Marie.
Selon le père de Montfort, la grâce est donnée à tous et à toutes! Mais pour être sauvé il ne suffit pas d’avoir reçu la grâce, il faut la garder. Et pour la garder quoi de mieux qu’une dévotion pleine et sincère à Marie, mère de Dieu et de l’Église. Laissons de Montfort nous décrire la situation à son époque :
« Il est difficile de persévérer dans la justice à cause de la corruption étrange du monde. Le monde est maintenant si corrompu qu’il est comme nécessaire que les cœurs en soient souillés, sinon par sa boue du moins par sa poussière, en sorte que c’est une espèce de miracle quand une personne demeure ferme au milieu de ce torrent impétueux sans être entraînée au milieu de cette mer orageuse, sans être submergée ou pillée par les pirates et corsaires au milieu de cet air empesté, ou sans en être endommagée. C’est uniquement la Vierge fidèle, dans laquelle le serpent n’a jamais eu part, qui fait ce miracle à l’égard de ceux et celles qui l’aiment de la belle manière. »(1)
Notre monde n’est-il pas l’écho de ce cri qui nous vient du passé ?
Louis-Marie Grignion nous met en garde contre l’absolutisme et le jugement qui avaient cours parmi les classes sociales dominantes de son temps. Pour ces gens, les petites dévotions et la prière devant les icônes ou les statues relevaient de l’idolâtrie. Seule la dévotion au Christ devait être reconnue. Que Louis-Marie Grignion de Montfort propose d’aller à Jésus par Marie était considéré comme une forme d’hérésie. Il nous donne un moyen simple afin d’éviter ce comportement : l’humilité. L’humilité nous amène à discerner les faux dévots et les vraies dévotions.
Les faux dévots
Il y a sept sortes de faux dévots :
- Les dévots critiques qui remettent en question la pratique et les miracles attribués à la Vierge;
- Les dévots scrupuleux qui s’offusquent parce que la dévotion n’est pas dirigée exclusivement envers le Christ et qui remettent en question la filiation directe de Marie avec son Fils;
- Les dévots extérieurs qui n’intériorisent pas la dévotion et la font par habitude et par soucis de bien paraître face à leurs contemporains;
- Les dévots présomptueux qui cachent à travers cette dévotion leurs penchants naturels non contrôlés;
- Les dévots inconstants qui le sont à temps partiel quand cela fait leur affaire;
- Les dévots hypocrites qui couvent leurs péchés et leurs mauvaises habitudes sous le manteau de la Vierge;
- Les dévots intéressés qui pratiquent leurs dévotions pour eux-mêmes et pour des raisons personnelles et qui s’en détachent dès que leurs prières sont exaucées.
Les vraies dévotions
Il y a cinq sortes de vraies dévotions :
- La dévotion intérieure qui part de l’esprit et du cœur;
- La dévotion tendre qui est pleine de confiance comme un enfant envers sa mère;
- La sainte dévotion qui amène l’âme à imiter les vertus de la Vierge qui sont : l’humilité, la foi, l’obéissance, la prière continuelle, la mortification universelle, la pureté, la charité, la patience et la douceur;
- La dévotion constante qui ne change pas au gré des épreuves et des joies;
- La dévotion désintéressée qui aime Marie non pas parce qu’Elle lui fait du bien mais parce qu’Elle est aimable.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort n’a pas eu une révélation unique et instantanée des principes de la vraie dévotion à Marie. Non, il l’a élaborée par la pratique et la prédication. Comme on l’a vu plus haut, il fut persécuté et ridiculisé pour son ministère. Il ne se contentait pas d’aider les pauvres, il s’identifiait à eux, il vivait comme eux, partageant leur désespoir et leur misère. Il mendiait pour survivre et tout cela par amour pour Jésus-Christ dans une dévotion sincère et totale à Marie. En offrant à Marie tout ce qu’il vivait, il parvenait à supporter toutes ces misères parce que l’Amour de Marie le soutenait.
Marie l’a soutenu tout au cours de sa vie, dans sa mission et dans ses épreuves. Il lui a entièrement remis toute sa vie et tout son être, toutes ses actions et toutes ses pensées. Il vivait pour et par Marie. Et cette dévotion fut le chemin qui le mena à la porte du ciel car Marie présentait à Jésus tout ce que Montfort était. Il déposait dans son cœur tout son être, ses actions, ses doutes, ses persécutions, ses espérances et ses joies. Le fait que Marie ait façonné le coeur de Jésus dans son sein fait d’elle une interlocutrice privilégiée : comment Jésus peut-il refuser quelque chose à sa Mère? Comment notre Mère à tous peut-elle ne pas être compatissante et aimante pour tous ses enfants ?
(1) Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge, Louis-Marie Grignion de Montfort, éd. du Seuil, 1966, p. 77, nu. 89
– Livres de références : Histoire populaire illustrée du Bienheureux Louis-Marie Grignion de Montfort, par abbé H. Boutin, éd. L.- J. Biton, librairie St-Joseph. 1893.